Développeuse, journaliste, auteur, comédienne

Textes inédits

Aure écrit depuis son enfance et elle a publié son premier livre en 2003, à l'âge de 18 ans. Ses productions sont variées : romans jeunesse, poésie, nouvelles...

Elle écrit aujourd'hui en français et en occitan et elle s'essaie également à la traduction.

Vous pouvez découvrir quelques-uns de ses écrits non publiés ci-dessous :

Premier chapitre d'un roman en cours d'écriture

La noire fumée de l'incendie avait été visible loin dans la plaine jusqu'au crépuscule. A présent, seules brûlaient encore quelques braises que la neige éteignait peu à peu et dont le rougeoiement n'était pas assez intense pour éclairer les ténèbres. Les murs des rares maisons de pierre se dressaient encore, à demi-éboulés après la chute des charpentes de bois qu'ils avaient soutenues. Il ne restait rien des autres habitations sinon une poussière cendreuse qui noircissait le tapis du sol.
Trois silhouettes venue de l'est avançaient rapidement vers les lieux du sinistre. La première, très grande, marchait d'un pas décidé tandis que les deux autres, à la démarche moins sûre, émettaient des murmures à peine audibles.
- Quel carnage ! murmura une voix d'adolescent alors qu'elles s'arrêtaient devant les ruines.
Un des trois compagnons, aux formes indéniablement féminines, inspecta un moment les débris puis annonça :
- Il n'y a pas un seul survivant.

Tous trois regardèrent longuement autour d'eux, puis la plus grande silhouette murmura:
- Ces flammes brûlant sous la neige... Un tel déchaînement de violence... Cela ne peut être que... Mais comment savoir ? Les traces auront été effacées à présent.
Un silence tendu s'installa.
- Si ce que tu dis est vrai, déclara enfin la voix féminine, il faut immédiatement aller en avertir le conseil.
- Tu as raison, lui répondit la grande silhouette, il n'y a pas une minute à perdre.

Tous trois se retournèrent et partirent d'un pas pressé sur la route qui les avait vus arriver. Ils commençaient à s'éloigner du village lorsque la silhouette féminine s'arrêta net.
- Écoutez ! ordonna-t-elle.
Les deux autres sondèrent la nuit tandis qu'elle se dirigeait vers un épais bosquet à l'écart de la route. Ses compagnons lui emboitèrent le pas. Ils se faufilèrent parmi les arbres jusqu'à ce qu'ils découvrent, au pied de l'un d'eux, un bébé qui pleurait en serrant contre lui quelque chose qui ressemblait à un minuscule arbrisseau.
- Mais qu'est ce que c'est que ça ? interrogea la grande silhouette d'une voix sèche.
- Ses parents l'auront caché ici pour le protéger du carnage, suggéra la voix féminine.
- Nous ne pouvons pas le laisser là ! s'écria l'adolescent en se précipitant vers l'enfant.
- Ne bouge pas ! l'arrêta son compagnon. Que ferions-nous de cette demi-portion d'humain ? Nous n'allons tout de même pas l'emmener chez nous !
- Nous pourrions... commença l'autre avant de s'arrêter, ne trouvant rien à répondre.
- Il a raison, déclara la voix féminine, nous ne pouvons pas laisser cet enfant mourir de faim et de froid. C'est une douloureuse agonie, et cette âme est encore innocente.
- Vous dites vrai, concéda la grande silhouette, je vais abréger ses souffrances.

L'adolescent esquissa un mouvement mais son compagnon l'arrêta d'un geste. Il commença à lever la main vers l'enfant. Soudain, le feuillage de l'arbuste que le bébé tenait dans ses bras se mit à s'agiter comme sous l'effet d'une bourrasque, bien qu'aucun vent ne se fût levé. Aussitôt, l'enfant se mit à hurler et la plus grande silhouette suspendit son geste. Les trois compagnons avaient le souffle coupé. Les feuilles de l'arbrisseau s'immobilisèrent et l'enfant se calma un peu, sanglotant doucement.
- Vous avez vu ça ! s'exclama le plus jeune.
Personne ne lui répondit. Finalement, la voix féminine murmura :
- Finalement, peut-être que nous parviendrons à lui trouver une place parmi nous.
L'adolescent courut alors vers le bébé, le ramassa précautionneusement et l'enveloppa sous son manteau.
- Bon, assez perdu de temps, dit sèchement la grande silhouette. Allons-y à présent.
Tous trois rejoignirent la route et s'éloignèrent d'un bon pas en direction de l'est, sans un regard pour le village où la dernière braise venait de s'éteindre.

Mélodie

Quelle est cette pensée, cette bulle qui se promène dans mon sang, chatouille mes veines comme de l'héroïne, gonfle mon cœur d'hélium puis d'eau de mer, couvre mes yeux un instant avant d'emplir ma gorge de gargouillis et d'amollir mes membres ? Je sens ma tête alourdie appeler une épaule, pour se redresser l'instant suivant en hurlant qu'elle veut danser jusqu'au matin. Je sens ma bouche s'ouvrir sur un rire et se fermer sur un bâillement. Je sens mon ventre s'enflammer jusqu'à en emplir mes poumons de fumée, jusqu'à ce qu'une pluie tombée de mon cœur n'en emporte les braises en un violent tourbillon. Je sens les fourmis envahir mes doigts, la glace piquer ma peau, mes yeux aspirer une vision que seule mon imagination connaît, mes pieds battre la mesure d'un tempo que mes oreilles ont oublié de transmettre à mon cerveau. J'entends l'écho d'un cri, peut-être bien le mien, qui pulse dans ma poitrine et fait trembler l'air autour de moi comme un caisson de basses. Je sens comme une odeur de terre mouillée, de bois pourri, de fleur aérienne, de souffre et de miel, mais qui exhale un tel mélange ? Où est cette chose que je sens m'effleurer ? Comment la fuir ? Comment l'enserrer ? Un vide m'attire, plein d'une eau sucrée dont mes papilles gardent le pâle souvenir d'en avoir rêvé. Le vertige dans lequel il m'enrobe ressemble à une ivresse. Je me pelotonne dans ce coton dont les épines magnifiques appellent le baiser. Fais perler une goutte de sang à mes lèvres, prix du péché, et je boirai ainsi nos sucs entremêlés. Fais-moi voler dans l'obscurité, saupoudrant de ton lait les ténèbres couleur café. Je vois le bout des doigts de la main que tu me tends. J'en devine les caressantes griffes, pouvant mettre une vie en lambeaux et porter un corps au septième ciel. Je m'allonge, déjà dénudée, à peine consciente du chant qui m'hypnotise. J'offre ma peau aux brûlants rayons de lune. J'offre ma tête à cet alcool impalpable qui m'a déjà gagnée. Je ferme les yeux, inspire, décolle, virevolte, tourbillonne, explose, expire, geins, crie, hurle, chante, rêve, écoute, sens. Je caresse du doigt un relief doux comme une peau d'amante. Je palpe un roc dur comme un torse d'homme. J'éclate d'un rire pur comme un regard d'enfant. Je danse. Entre donc dans cette valse endiablée dont tu ordonnes la mélodie, dans ce tourbillon qui est tien et dans lequel je suis déjà étourdie. Tes doigts caressent un clavier invisible, faisant exploser des notes de couleur dont l'éclat me fait fermer les yeux. Je sens sur moi un vent brûlant qui me couvre de sueur. Je reste haletante, écrasée par le poids du silence soudain. Reviens. J'ai envie d'une autre dose. La destruction que la tempête sèmerait pourrait déboucher sur le plus beau des mondes, qui sait ? Mon corps réclame ce souffle, cet évanouissement, cette ivresse. J'ai soif. Mes yeux luisent comme ceux d'un carnassier. Mon rire éclate comme un coup de feu. Mes pupilles flamboient, mon sang se teinte de souffre. Je danse au milieu des flammes. Rejoins-moi.

Car j'ouvre les yeux, embrumée. Je crois que j'ai rêvé d'une chanson dont la dernière note reste accrochée à mon cœur.

Désir

Ta peau, ta peau
Du sucre sous mes lèvres
Une soie vernie de miel
Appelant caresses et baisers

Ta bouche, ta bouche
L'instrument dont le chant
Plus beau que celui des sirènes
Naît de la danse de mes doigts

De tes courbes douces et lisses
Mes yeux restent prisonniers
A ton regard qui chavire
Mon sang est soumis

Ma gorge demande et redemande
A boire ton nectar enivrant
A goûter ton plaisir
A crier mon désir

Mes mains rêvent de ton corps
Mon corps rêve de tes mains
Et dans la pénombre qui tombe
Entre les murs sourds de la chambre

Le silence se tait soudain

Que sauneji (mazurka)

Que sauneji, que sauneji, que sauneji, que sauneji (bis)

Los tons uelhs dehens los mens uelhs
Lo ton còr de cara au men còr
Lo ton peu devath la mia man
La tia pèth contra la mia pèth
Lo ton còs dehens los mens braç
Lo ton bohet sus la mia gauta
Lo ton cap sus la mia popa

Que sauneji, que sauneji, que sauneji, que sauneji (bis)

De't dar l'arrisolet
De't protegir deus còps
De secar los tons plors
De suenhar los tons maus
D'emparar lo ton còs
D'adobar lo ton còr
D'estar lo ton endòst

Que sauneji, que sauneji, que sauneji, que sauneji (bis)

Que dançam ua mazurka
Mei longa que la nosta vita
Que mesclam las nostas musicas
Tà'n har ua canta de bonaür
Que nodam los nostes espiars
Tà estacar los nostes còrs
Que mon saunei e vien lo ton.

Que sauneji, que sauneji, que sauneji, que sauneji (bis)

Je vais offrir mon cœur au printemps

Je vais offrir mon cœur au printemps
Qui me caresse des doigts de sa brise légère
Qui emplit ma poitrine de ses parfums de fleurs
Qui éveille mes sens, fait palpiter mon sein
Je vais offrir mon cœur au printemps
Laisser les rayons du soleil brûler ma peau
Et déshydrater tous les coins de mon âme
Laisser sa langue paralyser mes muscles
Et sa sensualité violer mon sexe offert
Je vais offrir mon cœur au printemps
A la force de mes ongles j'ouvrirai ma poitrine
Je briserai mes côtes d'une torsion de poignet
Mon sang abreuvera les pousses qui s'éveillent
Et je le sortirai, encore palpitant
Je vais offrir mon cœur au printemps.

Drôle de poème

Drôle de temps ce soir
Un vent frais me réchauffe en glissant sur ma peau
Et de petites fées aux petits pieds gelés effleurent mon visage
Drôle d'histoire ce soir
Un fantôme effraie mon oeil gauche aveuglé
Et un autre joue dans le miroir comme à la télé
Drôle d'histoire cette nuit
Mon corps devient grand et haut comme une montagne
Mon corps devient bruyant comme une campagne
Drôle de vie cette nuit
Une mer de joie emplit mon lit pour m'endormir
Une cape de bonheur recouvre mes journées
Drôle de vie en ce moment
Et tout autour des fous, des musiques
Des jeux, des médias, un monde
Drôles de temps en ce moment

L'enfant mort-né

A côté de mon lit, l'enfant rêve en silence.
Le cœur émerveillé, je bois à son sommeil
Et je chante son nom à ses moindres réveils,
Tressant un bouclier gardien de l'innocence.

Mon sein s'emplit d'amour pour l'en désaltérer
Et mes bras se font nid, devinant sa rondeur.
Je caresse sa peau d'un regard protecteur
Et mes lèvres devinent sa blancheur sucrée.

Je donnerais mon âme pour nourrir son sang,
Pour étayer ses jours je braderais ma vie
Et j'étendrais mon corps sur les chemins glissants.

Soudain son front serein s'assombrit d'une ride ;
Alors je tends la main, effrayée et ravie,
Mais mes doigts engourdis n'attrapent que le vide.

22.12.06

Breçairòla de l’amant fugit

Blat de luna a cèl dobèrt
Qu’estelan potons al gost de cireras
Pluèja sus mon còrs offèrt
Que retronís dins lo campèstre desèrt
Mas nòstra lèit envinhat
Vei pas pus nòstras amors bartassièras
Que son fulhatge es tombat
Coma de lagremas sus un temps passat

Per totjorn ausir dins l’alba
Lo resson
De son nom
M’a daissat aquela canson

M’arrucavi dins sos uèlhs
Dormissiá coma un dròlle sus ma popa
Las nèits eran de mantèls
Qu’en dejos se barrejavan nòstras pèls
Mas un poison maldobtat
A gastat lo nectar d’aquela copa
Ont beviái l’eternitat
Qu’a pres l’amarum de la fatalitat

Per totjorn ausir dins l’alba
Lo resson
De son nom
M’a daissat aquela canson

Canti dins mon revelhum
La prima amaissanta onte me banhavi
Demòra pas pus qu’un fum
Del fuòc al qual vòdi un amor postum
A mon enfant endormit
Que semblarà pas los qu’imaginavi
Cantarai un cant polit
Sonat Breçairòla de l’amant fugit

Per totjorn ausir dins l’alba
Lo resson
De son nom
M’a daissat aquela canson

M’as daissada aquela canson

2004

Vendemiar l'amor

Coma copi l'auton de rasim tot lo jorn
Jos las estelas vau vendemiar lo poton
De mas boca ponchuda coma un secator
Egreni de tas pòtas las fruchas d'amor

Ton suc es lo nectar mai sucrat e mai fòrt
Lo sol vin a poder apasimar ma set
Es fresc quand ai tròp caud e caud quand fa fresquet
Lo bevi a ta boca e m'ensuca lo còr.

Coma auton desvestís l'eissirment fremissent
S'estraçan de mon còs las fuèlhas de teissut
Levadas pel buf verd de ton agach agut
Sul tapís que nos fan nos podèm jaire ensem.

Nòstres raisses se nosan, e dedins lo lar
La soca fa gisclar un violent brasiment
Que branda en nòstras armas impunidament
Que naís de nòstras nuèits e las fa s’estelar.

2004

© Aure Séguier 2016
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